Jean-Marc Dumont, graphiste dépendant
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1914
Les poilus, le matin, c’était toute
une armée, qui, à l’aube du coup
de clairon assassin, s’élançait
en de multiples assauts vers son
prochain, sautillant de mines
en trous d’obus dans les broussailles
des barbes sales aux poils tranchés
par les baïonnettes des gorges rendues,
jusqu’à la dernière goutte de sang.
Le soir venu, elle était un tas immonde
de cadavres ouverts et battus, gavée
de métal tordu par la douleur, repue
de mort et d’ordres mêlés à la terre
convoitée mais jamais vaincue,
qui s’écoulait dans les tranchées comme
dans un égout puant, sans d’autres issues
que l’effroi, la terreur ou l’ennui. La nuit,
c’était le jour, dont la lumière jaillissait
des canons de 75. Le jour, c’était la nuit
qui tombait du ciel en hurlant avant
d’éteindre toute lueur. Les fantassins,
démembrés, les poilus, remplis de sang,
explosaient par millions, en français,
en allemand. Un jour, au petit matin,
les poilus fraternisèrent en se retrouvant
sur le champ de bataille, c’était juste avant
l’assaut, quand les gradés dormaient.
Entre chiens et loups. Ils s’échangeaient
des petits cadeaux. Ils jouaient au foot.
Ils discutaient de la pluie d’obus
à venir ou des femmes d’antan.
Et puis ils s’embrassaient en pleurant.
Et au son du coup de clairon donnant
l’ordre d’assassiner, ils crevaient.
En sénégalais, en canadien, en anglais,
en allemand, en américain ou en français.
Le poilu, c’est la figure sans visage.
L’Europe à naître du peuple d’Isparu.
JMD, 2014
Estampe numérique 70x100 cm.
30 exemplaires sur Fine Art Rag 300 gr
numéroté signé, 450 €